RETARD DE CROISSANCE INTRA-UTERIN
ETIOLOGIES
Syndromes géniques et RCIU
Didier Lacombe
Service de Génétique Médicale, CHU Pellegrin et Laboratoire de Pathologie Moléculaire et Thérapie Génique, Université Victor Segalen Bordeaux 2, Bordeaux

On connaît de nombreux facteurs pouvant intervenir dans le déterminisme du retard de croissance intra-utérin comme la malnutrition placentaire, le tabagisme maternel, le syndrome d’alcoolisme fœtal, les embryo-foetopathies d’origine infectieuse, les anomalies chromosomiques, certains facteurs génétiques comme la résistance à l’insuline ou encore des causes géniques. Parmi les multiples (environ 3 500) syndromes dysmorphiques et/ou malformatifs décrits en pathologie humaine, beaucoup peuvent s’accompagner d’un retard de croissance à début intra-utérin. Nous ne traiterons ici que des principaux sans ambition d’exhaustivité.

1. Syndrome de Silver-Russell et disomie uniparentale

Le syndrome de Silver-Russell associe un retard de croissance à début intra-utérin, une clinodactylie des cinquièmes doigts et une dysmorphie faciale avec un faciès triangulaire, des bosses frontales et une micrognathie. La taille de naissance à terme est de 44 ± 2,5 cm en moyenne et le poids au dessous de 2 200 g. Le phénotype s’accompagne classiquement d’une asymétrie de développement squelettique des membres, mais ce critère peut volontiers manquer. Le développement psychomoteur est normal.

Il est retrouvé dans environ 40 % des cas une disomie uniparentale maternelle du chromosome 7. Plusieurs gènes candidats soumis à empreinte génomique parentale sont localisés sur le chromosome 7 (IGFBP-1 en 7p12-p13, IGFBP-3 en 7p12-p14, GRB10 en 7p11.2-p12).

2. Chondrodysplasies

Les chondrodysplasies à début précoce anténatal s’accompagnent généralement d’un retard de croissance et peuvent le plus souvent être identifiées sur l’étude du contenu utérin. Nous citerons les principales, notamment celles pour lesquelles le déterminisme génétique est identifié et précisé alors avec la pathologie.

a) Chondrodysplasies léthales

  • Achondrogenèse type IB : DTDST
  • Achondrogenèse type II : COL2A1
  • Nanisme thanatophore : FGFR3
  • Syndromes avec côtes courtes
  • Syndrome d’Ellis Van Creveld : EVC
  • Atelostéogenèse type II : DTDST
  • Fibrochondrogenèse

    b) Chondrodysplasies d’expression précoce compatibles avec la vie

    • Achondroplasie : FGFR3
    • Hypochondroplasie : FGFR3, COL2A1
    • Chondrodysplasie ponctuée : Arylsulfatase E
    • Ostéogenèses imparfaites : COL1A1, COL1A2
    • Dysplasie diastrophique : DTDST
    • Maladie de Kniest : COL2A1
    • Dysplasie métatropique
    • Nanismes mésoméliques
    • Dysplasie spondylo-épiphysaire congénitale

3. Syndromes dysmorphiques « classiques »

a) Syndrome de Cornélia de Lange
Le syndrome de Cornélia de Lange associe au RCIU une dysmorphie faciale typique (hypertrichose, sourcils arqués avec synophris, cils longs, dépression de la racine du nez avec narines antéversées, philtrum long, micrognathie), une micromélie avec possibilité de phocomélie ou d’oligodactylie et une évolution vers un retard mental sévère. Le diagnostic est actuellement évoqué sur l’imagerie anténatale lorsque les anomalies des membres sont marquées, mais l’évolution technique avec l’écho 3D peut faire envisager le diagnostic devant un RCIU sévère avec dysmorphie faciale. Le diagnostic est confirmé par l’examen foetopathologique. Le déterminisme génétique précis de cette pathologie reste inconnu.

b) Syndrome de Rubinstein-Taybi
L e syndrome de Rubinstein-Taybi (RTS) associe retard de croissance parfois à début post-natal, dysmorphie faciale caractéristique, anomalies des pouces et des gros orteils avec un aspect trop large et une déviation augulaire, un risque malformatif (cardiaque, rénal…) et une évolution avec retard mental. Le diagnostic n’est généralement pas envisagé en période anténatale sauf pour des cas particulièrement sévères.
Le RTS est lié à des microdélétions du chromosome 16p13.3 identifiables par hybridation in situ en fluorescence (FISH) dans environ 10 % des cas. Des mutations du gène CBP localisé dans cet intervalle ont été décrites chez quelques patients suggérant un mécanisme d’haplo-insuffisance. Le gène CBP code pour un coactivateur de la transcription qui intervient dans diverses voies de transduction du signal et joue un rôle important dans la régulation de la croissance et de la différenciation cellulaire. Le RTS est un exemple de syndrome malformatif dû à une anomalie généralisée du contrôle de l’expression des gènes, sur lequel nous travaillons comme modèle dans l’équipe bordelaise.

c) Syndrome de Smith-Lemli-Opitz
Le SLO serait relativement commun, puisque sa prévalence a été estimée aux USA à 1/20 000. Il associe un RCIU modéré, une dysmorphie faciale, des anomalies génitales chez le garçon, une syndactylie entre les 2° et 3° orteils et une microcéphalie avec retard mental. Un certain nombre de malformations (rénales, cardiaques…) peuvent être associées. Le SLO est transmis sur un mode autosomique récessif et est dû à un bloc précoce sur la voie de biosynthèse du cholestérol. Le diagnostic positif sur sang ou tissus fœtaux et le diagnostic prénatal sont possibles par l’identification de l’élévation du 7-déhydrocholestérol.

d) Syndrome de Hallermann-Streiff-François
Ce syndrome associe au retard de croissance des anomalies ophtalmologiques volontiers sévères (microphtalmie, cataracte…), une alopécie, une dysmorphie faciale typique et un développement mental normal. Le déterminisme génétique de ce syndrome n’est pas connu.

e) Syndrome de Seckel
Décrit comme un « nanisme à tête d’oiseau » initialement en raison de l’aspect facial avec microcéphalie et nez proéminent, ce syndrome de transmission autosomique récessive se présente avec un RCIU sévère et évolue vers un retard mental le plus souvent sévère. On distingue actuellement différents types dénommés nanismes ostéodysplasiques avec microcéphalie selon les anomalies osseuses identifiées.

f) Syndrome de Floating-Harbor
Cette entité méconnue qui porte le nom des deux hôpitaux où ont été examinés les premiers patients (Boston Floating Hospital et Harbor General Hospital) n’est probablement pas si rare, mais plutôt sous-diagnostiquée. Le RCIU est généralement majeur et le syndrome associe un retard majeur de l’âge osseux, un aspect facial particulier notamment du nez, un retard portant essentiellement sur l’acquisition du langage avec possibilité d’une évolution favorable.

4. Syndromes rares

De nombreux autres syndromes dysmorphiques et/ou malformatifs peuvent se présenter avec un retard de croissance intra-utérin. La liste suivante donne quelques exemples sans être limitative :

  • Syndrome de Dubowitz
  • Syndrome de Bloom
  • Syndrome de Johanson-Blizzard
  • Nanisme Mulibrey
  • Syndrome SHORT

Le RCIU peut donc s’avérer être un bon signe d’appel au cours du développement embryonnaire pour rechercher des signes associés à différents syndromes dysmorphiques dont la reconnaissance diagnostique est capitale pour le conseil génétique. Enfin, d’autres syndromes dysmorphiques incluant classiquement une petite taille dans leur phénotype (Noonan, Costello, Kabuki, Leri-Weill…) ne seront pas envisagés ici car le retard de croissance est le plus souvent d’évolution post-natale.