RETARD DE CROISSANCE INTRA-UTERIN
ETIOLOGIES
Anomalies chromosomiques et rciu
Pr. R. SAURA

Les anomalies chromosomiques, de nombre ou de structure, ne sont pas rares et sont responsables, très souvent, d’anomalies morphologiques fœtales parfois associées à un RCIU. Devant la découverte d’un RCIU inexpliqué, le caryotype fœtal, souvent réalisé par amniocentèse et parfois par choriocentèse ou par cordocentèse, permettra de faire le diagnostic , dans certains cas, d’une anomalie chromosomique sévère.
Différentes études ont montré sur des prélèvements du 3ème trimestre (30 SA en moyenne) que dans 2 à 7 % des cas, le fœtus présentait une anomalie chromosomique, sans anomalie morphologique évidente et en particulier sans RCIU. Les anomalies chromosomiques habituellement retrouvées sont les trisomies 18, 13 et les triploïdies. Les trisomies 21 donnent rarement un RCIU. A 30SA, les fœtus trisomiques 21 ont un poids identique aux fœtus normau. A la naissance, les enfants atteints de trisomie : 18, 13 et 21 ont un poids respectivement de 65%, 75% et 85% par rapport à la normalex. La moitié des syndromes de Turner serait associé à un RCIU.

Les remaniements de structure peuvent être associés à un RCIU, en fait rarement isolé. Ces remaniements sont essentiellement les 4p-, 5p-, les remaniements du 9 , les 13q-, 18p- et le 18q-. D’autres anomalies de structure peuvent être, aussi, responsables de RCIU. Certaines équipes proposent de rechercher systématiquement une délétion du bras court d’un chromosome 4 par la cytogénétique moléculaire (FISH). Les mosaïques chromosomiques fœtales vraies (deux populations cellulaires différentes au moins, chez un même individu) peuvent générer un RCIU, mais là aussi, d’autres anomalies morphologiques devraient être retrouvées à l’échographie. Les chromosomes impliqués peuvent être les 18 et les 13 mais aussi les autres paires chromosomiques. Ces mosaïques impliquant des chromosomes «atypiques» sont le plus souvent suivies de FCS ou sont létales dans l’espèce humaine.

L’utilisation des villosités choriales a permis de mettre en évidence des anomalies chromosomiques limitées au placenta (ACLP). Le caryotype du placenta et du fœtus sont différents. L’analyse «directe» des villosités permet d’établir le caryotype du cytotrophoblaste, la culture permet d’étudier le mésenchyme extra-embryonnaire. Une ACLP est de type 1 , 2 ou 3 quand elle est retrouvée respectivement, dans le cytotrophoblaste (direct), le mésenchyme (culture) ou les deux. La plupart des chromosomes peuvent être impliqués dans ces ACLP. Ces ACLP sont la conséquence d’un accident post-zygotique. Il peut s’agir d’un œuf euploïde (à 46 chromosomes) dont certaines ou toutes les cellules vont devenir aneuploïdes (plus ou moins de 46 chromosomes) après un accident mitotique. Il peut s’agir d’un accident «réparateur»mitotique qui va permettre à un œuf aneuploïde (à 47 chromosomes) de se transformer en embryon euploïde à 46 chromosomes, par la perte au hasard d’un des trois chromosomes. Ce dernier mécanisme peut être responsable d’une disomie uniparentale (DUP), les deux chromosomes restant de la paire initialement trisomique, proviennent d’un même parent. On parle d’isodisomie lorsque les deux chromosomes restant sont identiques (accident de la méïose 2) ou d’hétérodisomie lorsque les deux chromosomes restants, d’une même paire, sont différents (accident de la méïose 1).

Les mécanismes par lesquels une ACLP pourrait interférer avec la croissance fœtale restent hypothétiques : en effet, la présence de cellules anormales dans le placenta peut altérer les fonctions placentaires. Une DUP peut aussi intervenir, soit en révélant une maladie récessive autosomique (dans les isodisomies), soit en générant des syndromes dûs à l’empreinte génomique qui est la perte de la complémentarité fonctionnelle des deux génomes parentaux. Certains gènes soumis à empreinte génomique seraient impliqués dans le développement de l’embryon ou du fœtus. Leurs dysfonctionnements pourraient être responsables d’anomalies du développement du fœtus et de RCIU. Ces différents mécanismes peuvent aussi être associés dans la genèse des RCIU.

Dans notre expérience portant sur plus de 10733 choriocentèses précoces ou tardives avec 95 % de suivi, 97 ACLP (0,92%) ont été diagnostiquées. Le taux de complications des grossesses (FC, MIU et RCIU) est apparu augmenté, par rapport à la population générale, en accord avec les données de la littérature. Le taux de FC a été de 1,7% en moyenne dans notre série de 10733 cas, et de 10,3% (10 sur 97) après ACLP. Il apparaît donc évident que l’existence d’une ACLP augmente nettement le risque de FC. Le taux de RCIU après ACLP a été de 5,1% (5 sur 97) ce qui est plus ou moins le taux attendu et n ‘est donc pas paradoxalement augmenté. Ce qui est en désaccord avec certaines données de la littérature. Ceci peut être expliqué par le fait que le statut exact du placenta, concernant l’anomalie chromosomique est difficile à définir car le prélèvement utilisé pour réaliser le diagnostic de l’ACLP, ne représente que quelques villosités et qui ne correspond pas obligatoirement à l’ensemble du placenta. Les ACLP du chromosome 16 sont bien connues pour générer des RCIU majeurs, 3 sur 4 dans notre série, ceci est aussi bien documenté dans les données de la littérature. Les trisomies 16 retrouvées en ACLP sont le plus souvent homogènes, de type 3, et sont très probablement la conséquence d’un embryon trisomique 16 «réparé». L’ACLP implique, dans cette situation, l’intégralité du placenta dont la fonction est très perturbée. Les chromosomes impliqués dans les ACLP et responsables de RCIU sont par ordre décroissant les : 16, 22, 9, 2, 7, 15, 18 et 21, les autres chromosomes autosomiques, les gonosomes suivis par les doubles trisomies, les anomalies de structure et les tétraploïdies. Nous avons pu démontré par l’étude histologique des villosités obtenues, pour l’étude du caryotype dans le bilan des RCIU, des signes d’ischémie permettant d’évoquer les causes vasculaires des RCIU. Cette étude doit, toutefois être complétée pour être validée. Sur les 11 contrôles réalisés par amniocentèse, dans notre série de 10733 cas, 5 DUP ont été recherchées, en raison soit du type ACLP, soit en raison du chromosome impliqué. Deux diagnostics de DUP ont été faits : une hétérodisomie 16 maternelle et une hétérodisomie maternelle d’un chromosome 14 associée à une trisomie 14 fœtale, en mosaïque faible. Ces DUP sont rares mais l’utilisation des PVC permet d’en révéler certaines. Cette recherche doit, à notre avis, être proposée essentiellement aux ACLP de type 3, mais aussi dans les ACLP homogènes.

Il n’existe à ce jour aucune méthode parfaite pour appréhender l’ensemble de la pathologie de la croissance fœtale. L’amniocentèse et la cordocentèse permettent une approche fine de l’embryon, mais occultent la pathologie du placenta dont le rôle n’est sûrement pas négligeable dans la genèse des RCIU. A ce jour, il semble difficile de diagnostiquer et de prévoir le devenir des DUP. La placentocentèse apparaît, dans cette optique, comme un moyen d’investigation complémentaire indispensable, si on en a la pratique, du bilan des RCIU inexpliqués.