RETARD DE CROISSANCE INTRA-UTERIN
ETIOLOGIES
Marqueurs héréditaires de thrombose, pathologie maternelle et RCIU
Docteur Catherine NEUMANN, Service d'hématologie biologique
Hôpital Antoine Béclère, Clamar

tLa thrombophilie héréditaire est connue depuis des décennies pour augmenter le risque de thrombose. Plus récemment, elle a été pressentie comme facteur de risque de pathologies obstétricales sévères.

Parler des marqueurs héréditaires de thrombose, pathologie maternelle, dans les RCIU, implique donc de poser un postulat : existe-t-il une relation entre la présence d'anomalies maternelles prédisposant aux thromboses, la survenue de complications obstétricales sévères (pré-éclampsie, HRP, RCIU), et la présence de lésions thrombotiques placentaires ?

Les infarctus placentaires, lésions le plus souvent trouvées dans les RCIU, entraînent un défaut d'irrigation de l'unité fþto-placentaire, mécanisme physiopathologique important dans la constitution des RCIU (Pr. R. Laurini).

Une tentative de réponse sera faite ici : 1) par l'analyse de la littérature abondante et souvent contradictoire, 2) par l'évaluation du bénéfice d'un traitement antithrombotique sur le déroulement des grossesses ultérieures, 3) par les résultats de l'expérience menée à la maternité de l'hôpital d'Antoine Béclère.

La thrombophilie associée à un facteur de risque génétique identifié est trouvée dans 50% des cas de thromboses : déficit en antithrombine (AT), en protéine C (PC) ou en protéine S (PS), mutation Arg 506 Gln du facteur V (FV leiden) et très récemment la mutation G 20210A de la prothrombine (FII leiden). Le mutant thermolabile de la MTHR n'est pas retenu comme facteur génétique, en raison de sa trop forte prévalence allèlique. Par contre, l'hyperhomocystéinémie, le plus souvent carentielle, apparaît comme un facteur de risque d'une grande actualité dans les pathologies obstétricales (Dr F. Audibert). Par ailleurs, l'hypercoagulabilité physiologique de la grossesse augmente encore le risque thrombotique chez ces patientes avec un risque relatif égal à 10, par rapport à des femmes non enceintes, à risque de thrombose comparable.

Le rôle du FV leiden dans la survenue de RCIU a été recherché par plusieurs équipes, avec des résultats parfois discordants (absence de corrélation pour certains, risque multiplié par 3 ou par 8 pour d'autres). Le rôle du FII leiden a été étudié plus récemment et la plupart des travaux porte actuellement sur l'existence d'une ou plusieurs anomalies thrombosantes associées à la survenue de RCIU. Selon les auteurs, le risque relatif estimé varie de 3 à 9, si on exclut le variant de la MTHFR. Tous les auteurs s'accordent sur la prévalence forte de la récurrence d'un tel événement (40 à 60%). Nous rapportons l'expérience d'Antoine Béclère, portant sur 55 patientes, dont la grossesse a été compliquée d'un RCIU et/ou d'un MFIU, 12 d'entre elles présentant une maladie héréditaire thrombosante (prévalence de 22%).

En conclusion, une relation pertinente apparaît entre RCIU et thrombophilie héréditaire, conférant au placenta un phénotype procoagulant et expliquant de ce fait la fréquence de la récurrence. La question du bénéfice d'un traitement antithrombotique se pose donc tout naturellement et l'état de la littérature suggère un rôle favorable sur le déroulement des grossesses ultérieures.